Voyages en Baldéa


"L'existence même de Baldéa n'est pas vérifiable. Peu importe, j'en reviens."

Sur le bord de l'inaperçu est un ensemble de textes dans la lignée des voyages imaginaires de Michaux ou de Pierre Bettencourt, une invitation à l'exploration de contrées fictives et inexplorées
Michel Guillou nous offre et nous invite à son propre voyage en Baldéa, et c'est en vérité à un bien merveilleux rêve auquel il nous convie.
Je suis toujours méfiant avec ce genre de roman que l'on nous promet toujours "plein de poésie", mais en fait de poésie on se retrouve souvent avec des évocations de mondes sous influence, des chemins déjà tracés des routes connues pour des lieux qui ont souvent un air de déjà-vu.
Avec Guillou c'est avant tout de merveilleux et d'irréel dont il est question, de ces territoires imaginaires emplis de ce que l'enfance à rêvé possible parce que tout à fait imaginable.
L'écart entre le rêve et la réalité repose non pas sur l'imaginaire mais dans l'imaginable.
Guillou fait comme le firent Michaux, Bettencourt, Abeille mais aussi Cyrano de Bergerac et tant d'autres (j'avais fais il y a quelques années une cartographie toute subjectives de ces contrées imaginaires), la relation d'un voyage qui prend sa source au plus profond de l'intime car qu'est ce que Guillou nous montre si ce n'est son monde intérieur, le monde tel qu'il le rêve ?
Avant tout il y a cette phrase placée en incipit qui je trouve porte tout le mystère et tout le charme du livre
"Des distances variables séparent de Baldéa, très brèves, très étendues, toujours sinueuses."
Cette phrase pour une entrée en matière ne comporte pas de point de départ. Il n'y a pas de point d'origine aux distances variables. D'où faut il partir pour aller en Baldéa ? C'est au lecteur de le définir, c'est un peu lui le mètre étalon. Il y a dans cette première phrase toute la force de l'invitation, on sait d'emblée que ce sera à nous aussi lecteur de se mettre en disponibilité pour le voyage que Guillou nous propose.
Baldéa est avant tout un monde régit par l'art d'accommoder les mots, un monde qui fascine par son aptitude à détourner ou prendre à la lettre les expressions usuelles. Ainsi les baldéens peuvent récolter de l'ombre dans de grandes jarres pour les journées passées dans le désert. Parce qu'on "s'habille toujours du costume de son destin", il faut savoir se vêtir avec circonspection...un chapeau constricteur peut devenir brutalement un objet mortel.
On l'aura donc compris, un certain surréalisme anime Baldéa et ses habitants.
Sur les bords de l'inaperçu est un livre qui se déguste, se savoure comme un grand vin, complexe et harmonieux, généreux et qui ne cesse de renouveler ses saveurs; identique et pourtant nouveau et plus subtil à chaque gorgée.

Michel Guillou, Sur les bords de l'inaperçu, Gallimard, 19 euros.

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