Ἄνδρα et Homère

Ἄνδρα μοι ἔννεπε, Μοῦσα, πολύτροπον, ὃς μάλα πολλὰ

Ceci est le premier vers de l'Odyssée de Homère. Poème épique que l'on a l'habitude de considérer avec l'Iliade comme le texte fondateur de la littérature du monde occidental. Pourtant à y regarder de plus près il y a comme une altération.
L'ordre des mots grecs est le suivant :
Homme/ moi /dire, /Muse,/ aux mille tours /qui /très /beaucoup/
Le poète à choisi de mettre en première place, au commencement de la geste l'homme qui n'est celui aux mille tours (Ulysse) que plus loin dans le vers. Ceci tient certainement à la grammaire grecque (dont j'ignore tout), mais je trouve ça symptomatique, et l'analyse ainsi : le poème homérique est tout entier tourné vers l'homme et non pas vers la muse. Pourtant la quasi totalité des traductions occidentales ont fait le choix de mettre en tête du vers soit la Muse soit l'acte lyrique de chanter.
En fait que ce soit l'un ou l'autre cela revient au même, c'est à la muse et au chant que revient la première place dans les traductions, et non plus à l'Homme dont on narre les aventures.
Il s'opère donc un déplacement de ce que je suppose être l'intention originelle.
La littérature occidentale dont on perçoit le reflet au travers des traductions a pris le parti du lyrisme et non celui de l'homme. elle s'est mise sous la férule de la Muse inspiratrice.
Que serait devenue la littérature si le choix n'avait pas été celui ci ? Quelles en auraient été le conséquences ?

"Dis-moi, Muse, cet homme subtil qui erra si longtemps, après qu'il eut renversé la citadelle sacrée de Troiè." (Leconte de Lisle, 1867)

C'est l'Homme aux mille tours, Muse, qu'il faut me dire, Celui qui tant erra quand, de Troade, il eut pillé la ville sainte (Bérard 1925 )

Quel fut cet homme, Muse, raconte-le-moi, cet homme aux mille astuces, qui erra, après avoir renversé de Troade la sainte citadelle ? (Meunier, 1943)

Commentaires

  1. "ceci tient certainement à la grammaire grecque". En fait, il s'agit surtout d'une question de scansion (pour fait vite, série de 6 mesures composées de syllabes longues et de syllabes brèves); l'ordre des mots, très souple en grec, obéit avant tout à ces impératifs rythmiques dans les poèmes homériques. Vos remarques sur les choix de traduction n'en sont pas moins justes.

    RépondreSupprimer

Enregistrer un commentaire