En réponse à Francois Monti

J'aime beaucoup le ton et le contenu général du "litblog" Tabula Rasa qu'anime Francois Monti. Il est toujours percutant et intelligent.
Dans son dernier article, il nous fait part de ses doutes et de ses aspirations quant à l'état de la blogosphère francophone. C'est un article très courageux et qui montre sa finesse d'esprit, parce qu'il met le doigt sur plusieurs points dont le principal est qu'il manque de débat dans nos blogs.
Peut-on se contenter de faire notre affaire dans notre coin sans faire attention à tout le bruissement du monde ? Peut-on rester seul dans sa bibliothèque ?
Non.
Parce que la littérature ce n'est pas cela, un simple empilement de livres sur une table de chevet. La littérature est un monde qui demande sans cesse à être (ré)inventé.
Sur ce point les réflexions d'Edouard Glissant ont beaucoup à nous apporter. Après tout la littérature est le lieu idéal ou peut se déployer la créolisation des esprits. Lieu archipélique parfait du chaos-monde dans lequel la Relation doit pouvoir trouver toute sa place.

L'article de François Monti me fait réfléchir sur la finalité de mes propres attentes. Après tout, je suis libraire dans un prestigieux magasin, j'ai à gérer un fonds en littérature française et étrangère qui est peut être un des plus important en France (en nombre de références), je suis plongé toute la journée dans une activité livresque, et le soir j'ai encore envie de faire partager mes lectures sur la toile.
Et pourtant je ne fais que cela. En ouvrant cet espace personnel, je ne me suis même pas interrogé sur les interactions, les passerelles que je pouvais établir entre les deux activités. Mon blog devrait être un laboratoire du métier de libraire et inversement, un endroit ou s'élabore des liens (la Relation) entre toutes les lectures (les miennes et celles des autres) qui m'entourent. Et pourtant ce n'est pas cela, je me borne à appliquer mon métier de libraire en 2.0 (et je ne suis pas sûr d'en être arrivé là) sans aller chercher plus loin, sans prendre en considération le monde qui m'entoure. Sans me rendre compte que je pourrais mieux exploiter tout ce matériau.

C'est étonnant la façon dont le texte de Monti entre en résonance avec ma principale lecture en cours (Journal Volubile de Vila-Matas) qui est une profonde réflexion sur la place qu'occupe l'écrivain dans son monde (littéraire) et la façon qu'il a de s'accommoder de cela. Vila-Matas voit et sent le monde par le biais de la littérature.
Monti ne fait pas autre chose que ça : poser la question du moyen que l'on a pour s'accommoder de cela.
Bien entendu nous ne sommes pas des critiques professionnels, on a tous des vies bien remplies, mais pourtant, il y a ce quelque chose qui nous anime et nous lie ; ce désir de partager nos lectures, de faire en quelque sorte vivre la littérature un peu plus au travers de nos actions.
Monti demande finalement pas plus qu'un petit effort. Faire un petit peu mieux. Essayer d'aller d'aller plus loin ensemble.
Je souscris la proposition de Monti de chercher à faire ce petit pas autour des sept souhaits qu'il évoque :

1) Causer littérature avant de causer livre.
2) Lorsqu’on cause d’un livre, placer clairement ce livre parmi d’autres livres.
3) Tenter d’aller au fond des spécificités des textes abordés.
4) Débattre littérature.
5) Multiplier les papiers « transversaux ».
6) Créer une sorte de dialogue communautaire.
7) Rebondir sur ce qui se fait ailleurs.




Commentaires

  1. Votre (re)lecture de Monti est des plus brillantes.

    Un préalable à ces sept souhaits, tout de même : lire...

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  2. C'est amusant, je n'aurais jamais mis en relation ma réflexion et le Journal volubile de V-M. C'est ça qui est chouette: selon nos expériences personnelles, nous mettons en relation ce que nous lisons avec des choses totalement différentes. Arriver à les faire ressortir sur ses blogs, c'est une des choses qu'il est, je pense, bon de viser.

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  3. Bonjour.
    Reste que nous n'avançons pas, la multiplication des échos à cet article devenant confusion plutôt que débat...

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  4. Je suis ce blog depuis pas mal de temps, presque depuis ses débuts, et je vois que nos avis se rejoignent, de par ma profession, (hé oui, libraire) je navigue pas mal et surtout sur les sites en langue espagnole, qui, pour certains, ouvrent des horizons nouveaux.
    Et je viens jeter le pavé dans la mare….
    Je ne suis pas critique littéraire, je leur laisse cet honneur, (d’ailleurs bien souvent ils m’ennuient et ne me font pas lire les livres qu’ils commentent, dommage d’ailleurs) mais simplement une lectrice fiévreuse depuis ma naissance, je suis née dans les livres, mes parents étaient libraires! Dans tous mes déménagements la seule chose que j’ai emmenée avec moi, ce sont mes livres et mes disques. Pourquoi ? Parce que ce sont mes rêves et mes vies, mes découvertes, qui sont dans ma bibliothèque. Les amis qui m’ont accompagnée à travers les âges dans les divers moments de vie. On n’abandonne pas ses amis.
    A force de vouloir tout décortiquer on perd de vue la fonction première du livre :
    C’est tout d’abord quelqu’un qui nous raconte une histoire ! Et on choisi ses auteurs comme on choisi ses amis. Parce qu’ils parlent à notre cœur, à nos sens, nos sentiments, nos frustrations ou désirs. Ils nous consolent ou nous font rire, nous ouvrent des horizons nouveaux des mondes insoupçonnés que nous n’aurions jamais vécu sans eux, ceux de la grande variété de l’esprit humain.
    Nous sommes contenus dans ce moyen d’expression parmi tant d’autres, Je ne crois pas qu’il y ait l’AUTEUR, le LIVRE et le lecteur, mais que nous ne formons qu’un seul collectif.
    Internet n’est qu’un nouveau moyen mis à notre disposition. Utilisons-le il est ce que nous en ferons !
    Votre liste est très jolie mais elle est (pardon, ne vous fâchez pas) froide.
    Oups ! Comme dit Google, j’ai encore trop parlé

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