Le navire poursuit sa route
Nordahl Grieg
Editions les fondeurs de briques

C'est dit sur la quatrième de couverture, ce roman annonce Le vaisseau des morts de Traven, Le Quart de Kavvadias et Ultramarine de Lowry. Rien que du très tentant, alléchant. Je rajouterais même dans la liste Chalut de B.S. Johnson pour certaines phrases sur la solitude de l'homme face à l'immensité étale des océans.
Nordhal Grieg, un norvégien qui a tout pour plaire à priori : une vie fulgurante, il meurt en 1943 à quarante et un ans au cours d'un raid aérien sur Berlin après avoir été tour à tour marin, vagabond et journaliste sur tous les points chauds de la planète des années trente (Chine, Espagne, URSS).
Voici pour le bougre passons maintenant au roman : brut, amer, glauque, suffocant et bouleversant par sa simplicité et sa force.
Un navire poursuit sa route ou la vie de Benjamin un jeune homme qui vient de s'embarquer comme simple matelot sur un cargo monstre de fer. La vie de l'équipage est dure, les conditions climatiques le sont tout autant mais l'existence est simple, rythmée par les coups de vent et les escales. Les amitiés sont franches et les douleurs se partagent dans la cabine entre deux quarts malgré les solitudes immenses des hommes.
Le roman est une plongée au cœur d'un monde, ce n'est pas un roman de mer au sens strict il est tout entier tourné vers des expériences humaines. J'ai été pris entre fascination et dégoût. Fascination parce que le roman est sublime dans sa langue, ce quelque chose d'expressionniste dans le regard que Grieg porte sur ce huis clos. Fascination pour le courage de ces gars qui jouent le jeu social au milieu des mers. Et dégoût parce que tout à bord semble hostile mais aussi poisseux.
"Un suffocant relent de pourriture lui saute au visage, au point qu'il défaillit presque. Dans la pénombre de la pièce, une lampe brûle avec peine, comme malade, dans cette touffeur."
Pourtant, tout cela s'estompe au fur et à mesure de la lecture, peut être parce qu'on s'habitue , une fois passé le choc initial, à cette claustration et aux conditions de vie. Le roman nous parle d'hommes, de leur espoirs et de leurs peine et il nous marque par sa justesse.
Le navire poursuit toujours sa route, inéluctablement, emportant ses hommes ou bien les abandonnant dans l'abîme.

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